Un atelier de consultation d’experts s’est tenu en octobre dernier à Abidjan qui a permis d’éclaircir la question concernant la mesure de la performance du secteur semencier en Afrique. Ayant réuni plus de 40 participants, cette réunion a été essentielle pour promouvoir une sensibilisation et un engagement renouvelés sur la nécessité d’un secteur semencier plus performant et durable pour l’Afrique. L’atelier a été organisé conjointement par AfricaSeeds, l’institution panafricaine en charge de l’implémentation du programme semencier de la Commission de l’Union africaine et l’ISSD Africa, un programme triennal qui soutient le développement intégré du secteur semencier en Afrique. Cet atelier a par ailleurs bénéficié du concours financier de la Fondation Bill et Melinda Gates, de la GiZ et du Gouvernement du Pays-Bas.

Chiffrer la semence

Pour mieux évaluer et gérer la production et l’utilisation des semences sur le continent, les parties prenantes doivent être en mesure de cartographier ce qui existe dans le secteur semencier. Des statistiques sur les maillons de la chaîne de valeur du secteur semencier peuvent améliorer la responsabilisation et la transparence des opérations à plusieurs niveaux. Au niveau continental, ils peuvent contribuer à la mise en œuvre du Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine (PDDAA) à travers Cadre des résultats du PDDAA. Au niveau national, les données fournissent une référence solide à partir de laquelle des actions peuvent être planifiées, suivies et évaluées. Au niveau de l’exploitation, ces indicateurs peuvent être utilisés pour améliorer la performance de la production de semences et pour renforcer les liens avec les circuits de commercialisation.

Cependant, mettre des chiffres sur le secteur semencier africain représente encore un défi. La grande variété des acteurs impliqués – des petits exploitants jusqu’aux décideurs de haut niveau – avec leur besoins en information différents, rend la tâche difficile. La plupart des agriculteurs en Afrique sont des petits exploitants qui produisent eux-mêmes leurs semences : aussi, les données sur les quantités, les variétés et la qualité des semences qu’ils utilisent se présentent donc comme des données difficiles à saisir. Autre difficulté, la collecte des données s’avère une tâche onéreuse à cause de l’isolement et la grande diversité des zones de production. De plus, le terme semence englobe un large éventail de formes. Celles-ci vont de minuscules semences de légumes aux matériaux à multiplication végétative, avec la variabilité correspondante en termes de pratiques de semi et plantation, de transformation, d’entreposage et de commercialisation. Toute chose qui renforce la complexité du processus de gestion des données. Enfin, le bas niveau des investissements dans le secteur semencier, combiné à une méconnaissance du rôle de la semence de qualité dans la transformation de l’agriculture sont d’autres difficultés des questions liées à la mesure des informations relatives aux semences.

La demande d’information

Malgré ces contraintes, la demande d’information sur la performance du secteur semencier reste un besoin réel. Il est clair que sans la capacité de mesurer spécifiquement la performance du système semencier, la probabilité que des mesures appropriées et opportunes puissent être prises, est minime. Or en l’absence de mécanismes de mesure de planification, de suivi et d’évaluation, le manque de transparence et de responsabilisation dans le secteur dévient une règle plutôt qu’une exception. La planification et la qualification de la demande en semences doit donc être faite avec précision car les investisseurs potentiels, y compris les entrepreneurs, ont besoin d’informations pour décider quand, comment et où investir.

Cet atelier a donc eu pour objectif de rassembler une variété d’utilisateurs de l’information et de leur permettre de définir et clarifier leurs besoins respectifs.

Les participants étaient des représentants des gouvernements, des communautés économiques régionales, du secteur privé, des organisations de développement et des donateurs. Pour mieux saisir les besoins d’information des parties prenantes, les participants se sont divisés en groupes de travail. Un cadre conceptuel a été utilisé pour articuler les besoins d’informations sur les différents sous-domaines du secteur semencier. Il s’est donc avéré utile de mettre en évidence les priorités des divers groupes d’intervenants et d’identifier les besoins d’informations spécifiques requis.

Les initiatives en cours

L’atelier était également l’occasion de promouvoir la compréhension des initiatives en cours qui mesurent les principaux aspects de la performance du secteur semencier. Cinq initiatives clés existantes ont été présentées à cet effet. Il s’agit « Enabling Business in Agriculture » de la Banque Mondiale, de l’Indice africain d’accès aux semences de la Cornell University, de l’Indice d’accès aux semences, de l’Indice d’agrobiodiversité et du « National Seed Board » de la Fondation Bill et Melinda Gates. Les travaux en groupes et les sessions plénières ont permis de déceler les variations, les doubles emplois, les synergies et les lacunes de ces initiatives par groupe d’intervenants. Dans les différentes articulations, il y a eu des discussions sur des thèmes tels que l’élaboration d’indicateurs pour le suivi du rendement du secteur semencier informel, sur la nécessité de cartographier la biodiversité, sur la collaboration possible entre les initiatives présentées et au-delà, sur l’importance de relier les indices aux processus d’examen semestriel du Cadre de résultats du PDDAA tant au niveau continental qu’au niveau national.

Nouvelles possibilités

Il est à retenir que la nécessité d’une synergie sur les indicateurs communs entre les différentes initiatives semble être un consensus émergent qui peut servir à la fois le cadre du PDDAA et les interventions au niveau national.

Dans l’ensemble, cet atelier est un exemple clair de l’impact qu’AfricaSeeds peut avoir par la mise en œuvre de son mandat, car lorsque des partenaires clés sont réunis pour partager leurs connaissances et leur expérience et identifier des opportunités et priorités communes, la coordination des questions relatives aux semences s’améliore énormément. Des collaborations de ce type sont celles que le Programme africain de semences et biotechnologies (ASBP) cherche à promouvoir.

À la fin de l’atelier, AfricaSeeds s’est engagé à prendre les devants en établissant des liens entre les différentes initiatives et le processus de développement des indicateurs sur la performance du secteur semencier africain. Les prochaines étapes d’AfricaSeeds viseront à faciliter les interactions entre partenaires et à développer au cours des prochaines années une Plateforme des connaissances sur les semences qui soit fiable. La Plateforme, qui appartiendrait conjointement aux parties prenantes, sera conçue pour répondre aux besoins de tous les acteurs et rassemblera toutes les informations en une source unique qui sera mise à la disposition de tous.